quel est l'impact dE La covid-19 sur les consommateurs?
La pandémie de covid-19 a bouleversé notre société en très peu de temps, y compris pour les consommateurs. Avec la fermeture des magasins physiques, nous avons tous été mis devant le fait accompli; les achats en ligne sont devenus la nouvelle normalité et les entreprises du secteur du commerce de détail ont essayé de garder la tête hors de l'eau. Mais allons-nous vraiment renouer avec nos anciennes habitudes après la crise ou devons-nous apprendre à apprivoiser une nouvelle normalité? L'association professionnelle Choprabisco a organisé une conférence en ligne dans laquelle le professeur Gino Van Ossel (Vlerick Business School) se projette dans l'avenir et partage sa vision du consommateur au lendemain de cette crise sanitaire sans précédent.
À QUEL POINT SOMMES-NOUS ENCORE MOTIVÉS?
Mars 2020, qui n'est pas un mois d'hiver comme les autres années, restera à jamais gravé dans la mémoire de nombreux Belges. Cela fait maintenant 15 mois que nous avons survécu à notre premier confinement. Une longue bataille est déjà derrière nous, mais quelle est notre motivation pour continuer à lutter contre la pandémie? "D'un côté, nous étions contraints par le gouvernement de respecter certaines réglementations; de l'autre, il y avait la peur de tomber malade ou de perdre des êtres chers. La situation est différente maintenant: les règles disparaissent et la peur s'estompe progressivement, et nous avons beaucoup appris de cela. Au fil des mois, nous avons pu répartir les Belges en trois catégories selon leur attitude: les motivés, ceux qui luttent contre la pandémie sans règles obligatoires; les obligés, ceux qui suivent les règles parce qu'ils le doivent et les démotivés, ceux qui ne trouvent plus de motivation. En mars 2020, 81% des Belges appartenaient au premier groupe, en août 2020, ils n'étaient plus que 30% et nous pensons qu'en septembre 2021, ce groupe aura pratiquement disparu", déclare le professeur Van Ossel.
CHANGEMENT DE COMPORTEMENT D'ACHAT
Ce n'est plus un secret pour personne qu'il est important de garder les consommateurs dans le magasin le plus longtemps possible pour stimuler les achats impulsifs. Et c'est là que Corona est intervenu. "La mentalité a changé: il s'agissait de faire les courses le plus rapidement possible afin de pouvoir sortir rapidement en toute sécurité. Les consommateurs étaient effrayés, il était hors de question de faire la queue dans les stations-service, par exemple, et au lieu de faire des achats de manière chaotique et de revenir régulièrement sur nos pas, tout se passait désormais sans heurts et comme prévu. Nous avons vu les achats impulsifs diminuer, la fréquence des achats diminuer sensiblement et le prix du billet augmenter. Et ce ne sont pas les seuls changements notables."
Un coup de pouce supplémentaire pour le commerce électronique
Une solution évidente pour éviter l'anxiété pendant les achats est de remplacer les achats hors ligne par le commerce électronique. Et c'est ce que nous avons tous commencé à faire en masse. "En 2020, nous avons dépensé 33% de plus pour des biens en ligne en Belgique (Becommerce Markt Monitor) par rapport à l'année précédente. Le secteur de la mode hors ligne a été le plus touché, les vêtements de cérémonie pour hommes en tête. Alors que le marché total de la mode en Europe a diminué de 19,8%, Zalando a vu les chiffres augmenter de pas moins de 30,4% (rapport annuel Zalando 2020). Quel impact cela a-t-il sur le secteur du chocolat? Si les consommateurs cessent de venir faire leurs achats au centre-ville, il sera de plus en plus difficile pour les boulangers et les chocolatiers d'attirer les passants occasionnels", explique le professeur Van Ossel. "En outre, l'importance du commerce électronique a également fortement augmenté dans le secteur food/nearshore. Aux Pays-Bas, le nombre de commandes en ligne a augmenté de 58% en 2020 par rapport à 2019 (Thuiswinkel Markt Monitor) et en Belgique, les colis repas ont triplé par rapport à l'année précédente. Faut-il s'attendre à ce que tout cela disparaisse une fois la crise sanitaire derrière nous? Je ne pense pas."
Impact sur le secteur du commerce de détail
La Belgique est un pays de bons vivants, les visites de restaurants figurent régulièrement à notre agenda et nous aimons le plaisir d'être servis à table. Lorsque les restaurants ont été contraints de fermer leurs portes, nous n'avons eu d'autre choix que d'aller dans les supermarchés. "Tous les supermarchés ont connu une bonne année, mais les vrais gagnants ont été les franchises, comme Carrefour Market, Delhaize Proxy, Spar ... Les petits magasins de proximité ont gagné en importance, car les consommateurs n'ont pas jugé nécessaire de faire plus de kilomètres pour aller chez Colruyt, par exemple. Les grands perdants sont les magasins qui doivent compter sur les navetteurs et les passants occasionnels. Il suffit de penser au Fresh Atelier de Bruxelles qui s'est concentré sur les produits de convenience, sur le pouce. En 2019, le concept a remporté le prix Mercurius, mais à présent, c'est Delhaize qui tire son épingle du jeu, et nous pensons que la consommation de convenience sur le pouce ne reviendra pas de sitôt. Les magasins des stations-service le long des autoroutes ont également été durement touchés. Le télétravail étant devenu la nouvelle norme et nos agendas n'étant plus remplis de visites en présentiel, la voiture est restée au garage.
Changer de marque
"Pendant la pandémie, plusieurs consommateurs ont changé de marque. Mais quelle pourrait être la raison de cette rupture de la fidélité des consommateurs? Je distingue deux causes principales. En raison des ruptures de stock, les consommateurs étaient souvent obligés de passer à un produit qui était en stock. En outre, nous faisons de plus en plus souvent nos courses dans des magasins plus petits, où l'on ne trouve dans les rayons que les marques signalétiques, c'est-à-dire les produits liés à une catégorie. Les marques fortes ont donc pris encore plus d'importance."
Quel était notre comportement en matière de collations?
"2020 a été une excellente année pour le snacking, selon les chiffres de Nielsen au Royaume-Uni. Les en-cas sur le pouce ont fait place aux en-cas à la maison, en plus grande quantité. L'ensemble du secteur du snacking a connu une croissance de 8,7%, les plus fortes hausses ayant été enregistrées par les snacks en emballages séparés (+12%), les bonbons au chocolat (11,7%) et les biscuits (7,4%)", poursuit le professeur Van Ossel. "Toutefois, si l'on décompose ce chiffre par mois, nous voyons des chiffres différents. Nielsen a étudié l'évolution du volume des bonbons au chocolat dans 25 pays différents entre mars et mai. Résultat? La confiserie à base de chocolat dans la grande distribution a connu une baisse de volume de 1,3%. Au cours de la même période, Barry Callebaut a enregistré une baisse de 14,3%. Où est la différence? Les lieux de vente jouent un rôle déterminant. Les touristes restent à l'écart des aéroports ou des villes, nous n'avons plus besoin de cadeaux et nous n'avions même plus l'occasion de prendre un café à l'extérieur avec un biscuit ou une praline. Et il va nous falloir du temps pour rebondir à la suite de ces changements de consommation."
COMMENT LE TÉLÉTRAVAIL AFFECTE-T-IL LES VENTES?
"Le quotidien flamand De Tijd a mené une enquête en juin 2020 sur la fréquence à laquelle les employés souhaitaient travailler à domicile. Respectivement 21%, 29% et 22% ont déclaré vouloir travailler à domicile 1, 2 ou 3 jours par semaine. En avril 2021, une enquête à grande échelle a confirmé les mêmes constatations: 34% des personnes interrogées souhaitent travailler à domicile une fois par semaine en moyenne, et si l'on ne considère que les femmes, ce chiffre passe à 40%. Et qui, bien sûr, achète le plus de chocolats en ville? Les femmes. Le risque d'une baisse permanente des ventes est donc bien réel."
QU'EST-CE QUE CELA SIGNIFIE POUR VOTRE MARCHÉ?
"L'impact sera différent pour la grande distribution et pour les magasins spécialisés. Dans la grande distribution, le passage au commerce en ligne va se poursuivre, nous ferons de moins en moins d'achats impulsifs, les achats sur le pouce ne se rétabliront pas complètement, nous irons plus souvent dans le magasin local et la lutte pour le maximum de d'espace en rayons va se renforcer.
Je divise les magasins spécialisés en magasins de destination et magasins de passage. Les consommateurs qui ont un produit spécifique en tête et qui en sont fans continueront d'affluer vers les points de vente connus. Supposons qu'une personne aime manger des chocolats Manon Blanc, il les recherchera de manière ciblée, qu'il travaille à domicile ou non. Les magasins spécialisés qui dépendent des passants occasionnels devront surmonter des obstacles plus importants. Le tourisme reprendra progressivement, mais le nombre de passants dans le centre-ville continuera de diminuer. En bref, c'est le moment de faire preuve de créativité et de sortir des sentiers battus pour attirer de nouveaux clients."
